L'intégralité du débat avec Yves Cochet, député Vert de Paris, lundi 23 novembre.

Yann : Faire moins d'enfants pose la question du financement de "nos" retraites. Comment l'Etat compte-t-il "motiver" les salariés à poursuivre une activité taxée à plus de 8 % par le régime des retraites ?

Yves Cochet : S'il y a moins d'actifs et plus d'inactifs, notamment du troisième âge, la question des retraites en 2020 ou 2030 ou 2040 sera plutôt résolue par quelques réfugiés climatiques de la jeunesse du Sud que par une gestion purement comptable des caisses de retraite françaises.

Czar : Pourquoi essayer de culpabiliser les opinions publiques occidentales, dont la population se maintient tout juste, plutôt que celles de pays du tiers-monde dont la population explose (l'Afrique vient de passer le cap du milliard d'individus) et alors même qu'ils n'ont pas les moyens de la nourrir ?

Yves Cochet : On ne peut réfléchir sainement sur la question démographique qu'en prenant comme indicateur principal l'empreinte écologique. C'est-à-dire la multiplication entre le nombre d'habitants d'un territoire et leur impact sur l'environnement. Soit encore l'extraction des ressources naturelles avant la production et les rejets après la consommation. Donc un enfant européen a une empreinte dix fois supérieure à un enfant africain. L'Europe est un petit continent de plus de 500 millions d'habitants, tandis que l'Afrique est un vaste territoire d'un milliard d'habitants.

De plus, l'empreinte écologique d'un Européen moyen est telle qu'il faudrait trois planètes si toute l'humanité vivait comme nous, alors que l'empreinte écologique d'un Africain est dix fois inférieure à celle d'un Européen. Bref, il faut toujours multiplier le nombre par l'impact pour faire un raisonnement correct.

Manso : Ce calcul de l'empreinte au Nord et au Sud est exact aujourd'hui, mais qu'en sera-t-il dans dix, vingt ou trente ans lorsque ces pays en développement auront enfin décollé ? On se retrouvera avec beaucoup de monde et une empreinte moyenne nettement supérieure...

Yves Cochet : Non, dans vingt ou trente ans, ou même dans cinquante ou cent ans, jamais la Chine ou l'Inde ou le Brésil ou l'Afrique du Sud ne vivront comme nous vivons actuellement. Pas parce qu'ils ne le désirent pas, mais parce qu'il n'y a pas assez d'énergie et de matières premières pour qu'ils le fassent. Donc en 2050, ce n'est pas l'Inde ou la Chine qui auront rejoint notre niveau de vie, ce sont les pays de l'OCDE qui auront rejoint celui de la Chine ou de l'Inde.

Julie : Sur quelles études vous appuyez-vous pour affirmer que notre niveau de vie en 2050 se sera abaissé au niveau de vie actuel des habitants des pays émergents ?

Yves Cochet : C'est une question géologique. Lorsqu'on examine notre standard de vie matérielle, on s'aperçoit que 80 % de nos ressources et des objets qui en découlent proviennent du sous-sol, d'où sont extraits ces énergies fossiles et ces minéraux non renouvelables. Beaucoup sont déjà en raréfaction. Si on est plus nombreux mais qu'il y a moins de richesses, le standard de vie baisse. Voilà la base du raisonnement.

Raphael : Pensez-vous, comme Claude Allègre, qu'il serait plus "rentable" d'investir dans le planning familial et l'éducation dans les pays du Sud que de tout miser sur des grands sommets comme celui de Copenhague, aux résultats bien incertains ?

Yves Cochet : Non et oui. Non, je crois, contrairement à Claude Allègre, qu'il vaut mieux discuter ensemble au niveau mondial comme à Copenhague plutôt que de se faire la guerre pour les ressources déclinantes ou la pollution croissante. Mais oui, je crois qu'il est juste que le niveau culturel et sanitaire des pays africains ou d'Asie ou d'Amérique du Sud augmente.

Chant_indigo : Le vrai problème réside dans une répartition équitable des richesses de la Terre. N'appliquons pas les mêmes lois que la Chine !

Yves Cochet : Il n'est pas question d'un programme autoritaire de limitation des naissances, mais d'une neutralité de l'Etat français ou des institutions européennes, c'est-à-dire une réduction des allocations familiales à partir du troisième enfant.

Manso : Pourquoi ne pas reporter le gain de la diminution ou de la suppression des allocations familiales à partir du 3e enfant par une allocation versée dès le 1er enfant ?

'' Yves Cochet :'' Non, je redis que je préfère une neutralité du gouvernement vis-à-vis de la natalité. Les allocations familiales ne sont qu'un reste d'une politique nataliste héritée de la défaite de 1870 et du besoin de chair à canon de la IIIe République pour prendre sa revanche sur l'Allemagne, comme nous l'avons hélas vu en 1914-1918.

Mapple Joe : Pourriez-vous nous dire clairement l'objectif que vous poursuivez : combien d'enfants par femme vous semble écolo-compatible ?

Yves Cochet : Il n'est pas question de stigmatiser les femmes ou les couples individuellement. Il est question d'une politique publique nationale ou européenne qui soit neutre vis-à-vis de la natalité et qui encourage à la sobriété de la consommation pour réduire l'empreinte écologique des pays développés.

Julie : Au lieu de culpabiliser les familles nombreuses et les enfants qui ne ferment pas le robinet quand ils se lavent les dents, ne faudrait-il pas mieux culpabiliser, et pénaliser fiscalement, les industriels qui choisissent les moyens de production les moins chers et les plus polluants ?

Yves Cochet : Bien sûr, il faut lutter contre la pollution, qu'elle vienne des industriels, des collectivités ou des ménages.