G_Duval.jpgPar Guillaume Duval, rédacteur en chef d'Alternatives Economiquesalternativeseco.gif

En juillet dernier, lors de la présentation du rapport de la commission Rocard, le consensus politique paraissait large en faveur de l'instauration d'une taxe carbone. Quelques semaines plus tard, il a visiblement disparu, notamment avec la prise de position de Ségolène Royal lors de l'Université d'été du Parti Socialiste à la Rochelle le 28 août dernier, dénonçant un impôt « absurde, injuste, historiquement décalé dans le temps ».

La « taxe carbone » n'est certes pas « la » solution au problème des émissions de gaz à effet de serre, contrairement à ce que certains de ses promoteurs ont parfois laissé croire, notamment dans l'entourage de Nicolas Hulot qui en avait fait la mesure principale de son pacte écologique (d'ailleurs signé à l'époque par Ségolène Royal voir www.pacte-ecologique.org ). Compte tenu de l'ampleur du défi - diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre de la France d'ici 40 ans - une telle taxe n'est en effet qu'un des nombreux instruments qu'il faut mettre en œuvre : des normes plus strictes, des interdictions plus nombreuses, des règles d'urbanisme différentes sont souvent susceptibles d'avoir des effets plus importants sur les émissions qu'une taxe carbone. En effet, elles agissent sur les investissements lourds, structurants, qui déterminent bien plus le niveau des émissions que les seuls arbitrages des individus dans les supermarchés en fonction des prix, choix largement surdéterminés en particulier par l'urbanisme qui leur est imposé.

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Il n'en reste pas moins que, dans des économies de marché décentralisées, il est utile et nécessaire d'agir aussi pour modifier les prix relatifs des différents biens et services en intégrant progressivement à leur coût, ceux liés aux problèmes causés par le changement climatique, non pris en compte jusque là. Surtout dans un pays comme la France qui est pour l'instant un des pays d'Europe qui taxe le moins l'énergie : ces taxes ne pèsent que 1,4 % du PIB, contre 1,8 % du PIB en moyenne dans l'Europe des 27 et même 2,2 % au Danemark et en Suède qui ne passent pas généralement pour les pays les plus antisociaux de l'Union... Et non seulement la France est un des pays où ces taxes, comme d'ailleurs l'ensemble de la fiscalité à vocation environnementale, sont les plus faibles mais elle est aussi un de ceux où leur poids a le plus baissé ces dernières années dans le PIB... Pas étonnant dans ces conditions qu'un logement français consomme en moyenne plus d'énergie qu'un logement danois, suédois ou norvégien, ni que nous figurions parmi les champions de l'étalement urbain (un français occupe au sol en moyenne deux fois plus de place qu'un italien et 1,5 fois plus qu'un anglais) et de l'usage individuel de la voiture...

Bref, sans être la solution miracle que certains imaginent, l'instauration d'une taxe carbone est nécessaire dans notre pays. Elle pose et posera bien sûr des problèmes redistributifs réels. Il faut y faire face en soutenant davantage le revenu des plus pauvres, mais ces problèmes ne peuvent pas, ne doivent pas retarder une nouvelle fois la montée en puissance de la fiscalité environnementale en France, après le fiasco de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), torpillée en 2001 par l'opposition déjà de certains socialistes au projet présenté par Dominique Voynet, ministre de l'environnement à l'époque.

Guillaume Duval

31 Août 2009