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Tag - Philippe Meirieu

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dimanche 12 décembre 2010

Intervention de Philippe Meirieu après son élection à la Présidence d'Europe Écologie-Les Verts


CONSEIL FÉDÉRAL, 11/12/2010

philippemeirieu.jpgOn n’accepte pas la responsabilité que vous m’avez confiée sans une certaine inquiétude. Et cette dernière est, de toute évidence, justifiée au regard des enjeux que nous avons à affronter collectivement. Enjeux internes, bien sûr, pour dépasser les difficultés que nous avons rencontrées ces dernières semaines, enjeux politiques pour préparer la séquence qui va nous mener jusqu’à notre Congrès, dans six mois, et enjeux écologiques qui, chaque jour plus pressants, nous imposent toujours plus de lucidité et de détermination.

Vous savez que je n’ai pas sollicité ce mandat et que je viens, à plus de soixante ans, d’arriver en politique. Je trouve, d’ailleurs, très extraordinaire et, pour tout dire, très courageux de votre part, de m’avoir élu. C’est aussi un signe que vous donnez de ce que peut être la « politique autrement », à mille lieues des appareils-machines construits par et pour des carrières… C’est pourquoi je suis fier que vous m’ayez choisi et je vous en remercie chaleureusement.

Je vous dois quelques mots sur l’ambition que nous pouvons avoir pour notre instance et, plus globalement, pour toutes les instances de notre mouvement. Cette ambition doit être grande. A la mesure de l’image positive que nous avons dans l’opinion. Les Français nous jugent généreux et crédibles, proches de leur préoccupations et porteurs d’une vision d’avenir. Nous devons nous montrer dignes de leur confiance… Et c’est vrai que nous sommes les seuls, je crois, à porter le souci de leur quotidien tout en travaillant à une vision globale de leur futur. Nous sommes les seuls à proposer un changement radical de paradigme pour faire face aux questions dramatiques auxquelles nous nous trouvons confrontés aujourd’hui. Nous sommes les seuls à appeler à une manière radicalement différente de penser le monde et notre rapport au monde. Nous sommes les seuls à incarner une alternative crédible au pillage de l’univers et à la concurrence mortifère entre les êtres. Nous sommes les seuls à faire de « la solidarité », sous toutes ses formes, le cœur de notre projet politique.

Pour autant, nous savons bien qu’en politique, ceux et celles qui s’engagent sont faits de chair et de sang, avec leurs qualités et leurs défauts, leur souci du bien commun et leurs imperfections quotidiennes. Nous revendiquons cette humanité. Nous sommes des hommes et des femmes « comme les autres ». Nous ne croyons pas que le fait de faire de la politique nous transforme en personnes exceptionnelles et inaccessibles, drapées dans leur « sérieux » pour faire oublier qu’elles n’ont plus de convictions ! Nous savons que nous dérangeons parce que nous entretenons avec nos convictions un rapport qui fonde notre engagement. Un rapport qui nous rend parfois plus sourcilleux, souvent un peu insupportables, mais toujours plus exigeants.

Ceux qui, aujourd’hui, se gaussent de nos soubresauts, savent-ils ce qu’il faut payer pour faire bonne figure dans le champ du politiquement correct médiatique ? Ce qu’il faut payer en hypocrisies. Ce qu’il faut payer en verrouillage par un polit bureau ? Ce qu’il faut payer en autoritarisme présidentiel ou en soumission dévote à une figure tutélaire ? Nous n’avons pas honte de nos tâtonnements. Et, d’une certaine manière, ils nous honorent. L’ironie ravageuse dans la presse sur les défauts des Verts et d’Europe Ecologie cache mal le mépris pour les efforts, laborieux certes, naïfs parfois, agaçants souvent, pour instituer une démocratie en actes dans une société qui confond le sondage d’opinion et l’expression citoyenne, le ressenti a priori et l’argumentation construite dans le débat. Face au populisme et à la démagogie, la démocratie est un combat. Et Les Verts ont historiquement mené ce combat. Europe Ecologie – Les Verts le mène aujourd’hui. Et je préfère nos difficultés assumées à la suffisance de ceux qui ne se posent pas de questions sur leur propre fonctionnement. Nous savons que la démocratie n’est pas spontanée et nous pensons que ceux qui prétendent le contraire sont des imposteurs. Nous savons aussi que des institutions démocratiques ne suffisent jamais à garantir un fonctionnement démocratique et que le respect des formes peut cacher bien des manipulations. En réalité, nous savons que, dans un mouvement politique, la démocratie est inséparable du travail quotidien pour la faire exister.

Et c’est à ce travail serein que je nous invite au sein de ce Conseil comme au sein de toutes nos instances. Nous devons maintenant transformer les turbulences de notre passé en propositions pour notre avenir. Nous devons nous apaiser sans perdre notre énergie. Nous devons apprendre à travailler ensemble, non pas en dépit de nos différences, mais grâce à nos différences, de cultures, de sensibilités, d’engagements antérieurs. Nous devons apprendre à nous respecter comme nous respectons le monde... Car, quoiqu’il soit galvaudé, ce mot de « respect » nous est cher.

Nous sommes sensibles, en effet, à tout ce qui abime le monde et c’est cela qui nourrit notre insurrection fondatrice, individuelle et collective. Nous sommes hostiles à la virtualisation du monde qui abolit la réalité des êtres et du temps, autorise toutes les manipulations et oublie la souffrance de nos semblables… Notre travail d’écologiste, c’est, le plus souvent, de redire, inlassablement, notre souci du monde et son respect. De faire primer ce souci du monde sur les luttes de ceux qui ne s’entendent que pour le piller. Nous voulons rendre la parole au monde. Au monde de la nature et des humains solidaires. Contre les errances de ceux qui pataugent dans les conflits permanents engendrés par leurs fantasmes de toute-puissance. À cet égard les écologistes sont des militants obstinés de la modestie. Et ils doivent mettre en œuvre cette modestie dans leurs méthodes de travail.

Etre écologiste en politique, c’est donc être attentif aux problèmes concrets à résoudre plutôt que de se disperser dans d’interminables procès d’intention. C’est se centrer sur de vrais objets de travail plutôt que de s’engluer dans les rapports de force. C’est regarder les choses avec le respect qu’elles exigent au lieu d’en faire des prétextes pour se positionner dans d’interminables calculs avec ses adversaires et ses alliés.

Mais tout cela requiert ce qu’il faut bien appeler une discipline, au sens le plus noble du terme. Cela requiert une extrême attention aux rituels structurants plutôt que de se perdre dans les excès de la « communication en temps réel ». Cela requiert de construire nos objets de travail et de nous donner des méthodes rigoureuses pour les traiter. Cela requiert d’expliciter les désaccords sans préjuger a priori de l’impossibilité de se mettre d’accord. Cela requiert de ne pas enfermer nos relations dans le couple infernal « adhésion / répulsion ». Cela requiert de ne pas folkloriser l’autre pour s’en débarrasser. Cela requiert d’expliciter obstinément et sans cesse nos positions pour qu’elles deviennent intelligibles à tous.

C’est ainsi que nous avancerons. C’est ainsi que nous garderons notre précieuse identité de « candides » en politique mais que nous parviendrons à convaincre de plus en plus, entre nous et autour de nous. C’est ainsi, aussi, que nous pratiquerons avec de plus en plus d’exigence cette démocratie interne que nous appelons tous de nos vœux et vers laquelle nous avançons… Permettez moi un mot à ce sujet : je crois – même si cela mérite d’être discuté – qu’il ne faut pas confondre la « démocratie d’élaboration » et la « démocratie de décision ». Il est normal, dans toute institution humaine, que les choses ne soient pas systématiquement construites de manière « démocratique » : il y a des compétences et des expertises qu’il faut valoriser et qu’il serait suicidaire de ne pas prendre en compte au nom du fait que cela ne serait pas « démocratique » ! Et cela, aussi bien dans les commissions thématiques que dans les commissions électorales ! Il n’y a rien de scandaleux à cela. C’est même un respect des militants. Une condition de réussite de la cause que l’on sert. En revanche, il est essentiel que les « experts » s’engagent à expliquer clairement leurs propositions à tous et que ce soit les assemblées de militants ou d’élus qui décident en dernier ressort.

Permettez moi de conclure en vous disant à quel point il me paraît important de prendre soin de nous.

Nous nous sommes engagés et nous sommes réunis ici parce que nous voulons prendre soin du monde.

Je milite, pour ma part, avec vous, sur l’impératif de prendre soin de nos enfants et de notre jeunesse que nous ne voulons pas abandonner au dressage des « psycho-pouvoirs » du libéralisme technocratique et médiatique.

Et je nous invite à prendre soin de nous, militants d’Europe – Ecologie – Les Verts. A ne pas confondre la disposition sacrificielle avec la générosité militante. A cesser de croire que le sacrifice de soi confère la moindre légitimité à exercer le pouvoir. A ne pas avoir peur du bonheur. A ne pas vivre en permanence avec l’inquiétude nouée au ventre de ne pas avoir un conflit à se mettre sous la dent pour ce soir ou pour demain.

J’ai appris de Patrick Viveret que les pratiques politiques actuelles utilisent et promeuvent la part la plus malade des hommes. Nous sommes gouvernés par des malades. De grands malades. Et c’est pourquoi, au sein de ce Conseil fédéral, comme partout dans notre mouvement, nous devons nous appliquer à rester en bonne santé. Individuellement et collectivement. Nos électeurs le veulent. Les français le veulent. Et croyez en un homme entré en politique il y a moins d’un an et à qui vous venez de faire l’honneur de confier la présidence de ce Conseil, notre vie politique en a vraiment besoin.

samedi 11 décembre 2010

Philippe Meirieu élu à la tête du parlement d'Europe Ecologie (Le Monde)



LE MONDE, 11/12/2010

consensuel-monsieur-federateur-philippe.jpgLes écologistes ont tenu samedi 11 décembre à afficher à nouveau leur unité après l'élection à la quasi-unanimité de l'élu rhône-alpin Philippe Meirieu à la tête du parlement d'Europe Ecologie-Les Verts, quelques jours après le refus fracassant de Jean-Paul Besset d'occuper ce poste.

Seul candidat, le pédagogue Philippe Meirieu a été élu par le vote favorable des 123 délégués présents (sur 240), 1 contre et 3 abstentions, lors du Conseil fédéral du rassemblement qui se réunissait pour la première fois depuis la fondation du parti à Lyon il y a tout juste un mois. Jean-Paul Besset, un des initiateurs d'EELV et proche de Nicolas Hulot, avait, lundi dans un courrier tonitruant, renoncé à prendre la tête du parlement du parti, dénonçant un "climat de guerre froide" entre un "parti où nombre de Verts verrouillent" les choses et la coopérative (pour les sympathisants non adhérents, ndlr) vue comme une "machine de guerre contre le parti".

"AMITIÉ, GENTILLESSE ET TENDRESSE"

L'élection dans un fauteuil de M. Meirieu permet aux écologistes de montrer à nouveau un visage uni après la crise provoquée par M. Besset. Philippe Meirieu, qui a obtenu le meilleur score EELV aux régionales de mars (18 %), c'est "Monsieur Fédérateur!", il "fait le lien entre anciens et nouveaux", s'est réjoui Jean-Louis Roumégas, du bureau exécutif.

Cécile Duflot, secrétaire nationale d'EELV, a voulu, devant les délégués, mettre l'accent sur "l'amitié, la gentillesse et la tendresse" qui se dégagent du rassemblement, souhaitant "donner tort à la lettre que Jean-Paul Besset nous a adressée" et "renouer avec l'espoir".

Pour son discours d'investiture, M. Meirieu, "tout jeune débutant en politique", a jugé les "soubresauts qui ont eu lieu inévitables" car "la clarté et la vérité sont notre ligne de conduite". Et s'il y a "des turbulences internes, il faut les transformer en propositions convaincantes pour notre avenir et notre pays", a-t-il dit, très applaudi par les cadres réunis à la salle de la CFDT qui accueillait déjà le Conseil national inter-régional (parlement) des Verts.

Pour lui, il faut désormais "nous apaiser", mais "sans perdre notre énergie" et en mettant "au coeur du débat nos projets plus que nos conflits". La question du projet justement ne se fera sans doute pas sans conflits, entre partisans d'une ligne bien ancrée à gauche et ceux plus "centristes" à l'image de Daniel Cohn-Bendit.

"COMPLOT CACHÉ"

Autre débat à régler, le statut des coopérateurs, ces militants non adhérents. Pourront-ils appartenir à un autre parti et désigner à la fois les candidats écologistes à toutes les élections, comme le souhaite "Dany" ? Enfin, le calendrier pour 2012, s'il semble faire consensus au sein de la direction, ne sera tranché que lors du prochain Conseil fédéral (29-30 janvier). A priori, le congrès devrait se tenir en avril-mai, juste avant la désignation du candidat écologiste pour la présidentielle qui devrait avoir lieu fin juin/début juillet. L'eurodéputée Eva Joly, favorite, est opposée au député Yves Cochet.

Quant à Nicolas Hulot, "ses amis, dans la situation de ceux de Dominique Strauss-Kahn", veulent repousser à l'automne les primaires, selon certains. Faux, le candidat doit "être connu le plus rapidement possible", rétorque Pascal Durand, proche de l'homme du Pacte écologique de la campagne 2007, qui dément tout "complot caché". En tout cas, selon Jean-Vincent Placé, un des dirigeants soutien d'Eva Joly, EELV parie désormais sur un score à "deux chiffres" à la présidentielle.