Commentant sur ce blog la dissidence d'Antoine Deguines annoncée dans La Voix du Nord du 23 février 2011 (voir l'article précédent), je notais: "En se démarquant publiquement (et courageusement) de ses pairs, Antoine Deguines, sans rompre officiellement, devra rendre des comptes au maire. Il le sait mais il prend date à mon avis. Natacha Bouchart ne peut ignorer qu'Antoine se positionne désormais sur une autre dynamique, déjà en marche: il y a fort à penser qu'avec sa nouvelle posture d'électron libre, son parcours politique ne sera pas un long fleuve tranquille."

La réaction de Natacha Bouchart ne s'est pas fait attendre: elle invite aujourd'hui l'adjoint à la culture (dans La Voix du Nord de ce 24 février) à « prendre ses responsabilités. Soit il ne se sent pas bien, et il démissionne, soit il s'explique avec nous »

Selon elle, « celui qui rompt le contrat municipal, c'est M. Deguines. Il devrait balayer devant sa porte ». Lui dit exactement le contraire ! Pourquoi démissionnerait-il de son plein gré, comme si c'était une simple question d'humeur. Son départ volontaire, dans le contexte du moment, ferait certes plaisir au reste de l'"équipe municipale" et dédouanerait de fait Natacha Bouchart de ses propres responsabilités. On a là les prémisses de l'échec de l'"Union Populaire et Sociale", une union faite de bric et de broc, construite sur l'idée du "plus petit dénominateur commun", et sur une position de rejet de l'"ennemi commun". La question est maintenant de savoir s'il s'agit d'un accident de parcours pour la majorité municipale ou d'une crise latente beaucoup plus profonde qui annoncerait d'autres dissidences. Car, qu'on le veuille ou non, la majorité actuelle est plus une somme d'individualités qu'une coalition politique autour des partis. C'est la nature même de cette "union" qui permet la reprise en main de cette municipalité par l'UMP.

Il n'y a pas de parti au sein de la majorité qui puisse faire contrepoids à l'emprise actuelle de l'UMP. A vrai dire, il n'y a qu'un seul autre groupe organisé en tant que vrai parti, c'est le Modem, mais qui pèse peu. Philippe Blet, s'il a réussi à négocier son alliance avec Natacha Bouchart en obtenant la présidence de la Communauté d'Agglomération dans une situation exceptionnelle et inédite, ne sera plus en mesure de négocier quoi que ce soit dans 3 ans... s'il reste isolé politiquement. Justement, fin 2009 les conseillers municipaux du groupe de Philippe Blet, "socialistes dissidents" unis à l'UMP, avaient essayé de rallier le PRG d'Alain Mascret, parti d'opposition à Natacha Bouchart et on pensait bien alors que quelque chose d'important se passait et qu'on se rebiffait de ce côté-là (Voir sur ce blog mon article L'"Union Populaire et Sociale" autour de Natacha Bouchart se lézarde à Calais)

La seule cohésion de l'équipe actuelle ne repose que sur la distribution de postes importants à quelques individualités, des "biscuits" pour faire la route en quelque sorte, mais pas sur une cohésion politique, on le voit avec la culture par exemple.

Par conséquent Antoines Deguines a raison de ne pas vouloir démissionner. Se faire "éjecter" par le premier magistrat sera peut-être plus porteur politiquement que de s'infliger soi-même la sentence. Et plus logique: Antoine estime que le pacte municipal n'est pas respecté, il ne dit pas qu'il est en désaccord avec ce pacte. On peut le croire !

Je remarque aussi le désaccord de fond entre Antoine Deguines et Philippe Blet, alors qu'ils faisaient partie tous les deux du même groupe d'élus au départ ! Politiquement, et sur la question du Channel en particulier, Philippe Blet et Natacha Bouchart sont en symbiose parfaite. Je pense qu'il y a déjà rééquilibrage au sein de la majorité municipale, et la constitution d'un axe exclusif Bouchart-Blet, une sorte de Yalta politique local... C'est du côté de ces rééquilibrages internes qu'il faudra regarder, et voir si les autres élus acceptent encore longtemps ce deal qui les exclut de fait.

Avec un retrait de délégation à son adjoint, Natacha Bouchart prend quand même le risque d'avouer l'échec de sa liste et de susciter bien des interrogations, si ce n'est d'autres vocations. Mais en tout cas, l'issue ne fait aucun doute, sauf coup de théâtre: « Nous attendons la fin des élections. Après, on verra, selon l'attitude de M. Deguines » (Natacha Bouchart)


Jean-Marc Ben, conseiller municipal écologiste de Calais