LA VOIX DU NORD, 23/02/2011

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| LE VISAGE DE L'ACTUALITÉ |

Son nom a souvent été cité, sa candidature souvent évoquée. Mais Antoine Deguines ne briguera pas de mandat de conseiller général. Mais l'adjoint à la culture ne tire pas un trait sur ses ambitions personnelles, tout en affirmant sa position d'électron libre au sein de la majorité.

Pourquoi ne vous présentez-vous pas aux élections cantonales ?

« D'abord pour raisons professionnelles. J'ai déjà deux mandats, l'un à la mairie, l'autre à l'intercommunalité, et une activité professionnelle très prenante. Quand on se présente à une élection, c'est pour être élu. Et se présenter en sachant d'avance qu'on ne peut pas assurer correctement le mandat, ou pas du tout, c'est malhonnête. »

Pourtant, il a été question de votre candidature dans le cadre d'un accord PS - Verts.

« Oui, on m'a sollicité dans ce cadre, beaucoup de gens m'ont demandé d'y aller, mais cela n'est resté qu'au stade des discussions, et d'ailleurs l'accord entre le PS et les Verts n'a pas abouti. Ceci étant, j'ai eu des contacts intéressants avec les Verts, notamment avec Francis Gest. C'est un homme que je respecte énormément, qui se présente parce qu'il a des convictions, et non parce qu'il court les mandats. J'ai le même respect pour Marcel Pidou, qui est un homme d'honneur. »

Êtes-vous toujours adhérent au PRG ?

« Oui, depuis deux ans. Je considère que ce parti est le plus proche de mes idées. Il a une bonne image. Je me sentais également proche du parti socialiste, mais son mode de fonctionnement est parfois agaçant. Je suis au PRG, c'est un parti d'avenir, sur lequel je pourrai compter pour d'autres échéances. »

Depuis quelques mois, vous ne semblez pas sur la même longueur d'onde que la majorité municipale à laquelle vous appartenez. Le confirmez-vous ?

« Oui, tout à fait. Les choses sont difficiles pour moi, dans l'équipe municipale aussi bien qu'à la communauté d'agglomération. Je sens énormément de méfiance, de défiance à mon égard. Je ne suis plus associé à rien. »

On sent beaucoup de crispation autour de votre principale délégation, la culture. La confirmez-vous ?

« Bien sûr. Sur ce sujet, j'ai une position qui tranche avec les autres élus. Mais au lieu de m'inviter à des discussions pour essayer d'avancer et de rapprocher les points de vue, on me contourne et on prend des décisions sans moi. C'est vrai à la Ville, avec par exemple la question de la succession de Martine Fosse à la Cité de la dentelle, pour laquelle je n'ai jamais été associé. C'est aussi vrai à l'agglomération. Il n'y a qu'à voir ce qu'il se passe avec le Channel... A ce titre, je me réjouis que les choses s'arrangent, au moins ponctuellement (NDLR : une subvention de 109 000 E a été votée lors du dernier conseil communautaire pour l'organisation des Libertés de séjour). Mais cela a été le résultat d'un bureau communautaire agité. Heureusement que Guy Allemand, Michel Hamy ou Serge Péron sont intervenus à mes côtés... Philippe Blet nous a traités d'avocats du Channel. Je l'ai pris comme un compliment, même si dans sa bouche, ce n'en était pas vraiment un ! »

Pourquoi, dans ces conditions, ne démissionnez-vous pas ?

« Malgré ces difficultés, je considère que je suis toujours utile à Calais et aux Calaisiens, notamment dans le domaine de la culture. Grâce aux liens que j'ai pu tisser avec les structures de la ville, mais aussi grâce au soutien des partenaires comme l'État, via la DRAC, ou les territoires voisins. »

Mais pourquoi rester, alors que vous semblez dire que vous ne pouvez pas assurer vos missions ?

« Au moins, il reste ma voix pour défendre le monde de la culture. Tant que je me sentirai utile, je resterai. Même si je vois bien que l'on tente de me discréditer auprès de tous les élus. Moi, j'ai toujours eu la liberté de dire ce que je pense. Car contrairement à beaucoup d'autres, je n'ai pas besoin d'un mandat pour vivre. Ma liberté, elle est là ! »

Les bases de la liste d'union qui l'a emporté en 2008 sont-elles ébranlées ?

« Je veux tout de même rappeler que nous avons été élus sur la base d'un pacte municipal, qui prévoyait notamment qu'en cas de différend, les représentants des quatre sensibilités de la majorité se réunissent pour discuter. Cela n'a jamais été fait. Le contrat municipal n'est pas respecté. Et j'en fais porter une partie de la responsabilité à Philippe Blet, qui n'a jamais représenté notre tendance face à l'UMP, ni joué le rôle de contrepoids que l'on pouvait attendre de lui. Ce qui faisait la richesse de notre liste est perdu. Moi, je suis loyal dans mon engagement. À aucun moment je n'ai trahi le contrat municipal. » •


PROPOS RECUEILLIS PAR BRUNO MALLET

calais@lavoixdunord.fr

Antoine Deguînes, adjoint à la culture : « Le contrat municipal n'est pas respecté » (La Voix du Nord)





COMMENTAIRE


Lorsque fin 2009 les conseillers municipaux du groupe de Philippe Blet, "socialistes dissidents" unis à l'UMP, avaient essayé de rallier le PRG d'Alain Mascret, parti d'opposition à Natacha Bouchart, on pensait bien que ça n'était pas pour rien. Un an et demi après son accession aux affaires municipales, la majorité municipale d'"Union Populaire et Sociale" semblait en effet se lézarder. Le message était fort et lourd de conséquences (Voir mon article L'"Union Populaire et Sociale" autour de Natacha Bouchart se lézarde à Calais). On pensait donc que la dissension serait venue de ce côté-là ou peut-être du MoDem, pour ses relations tendues avec l'UMP, voire des deux. Mais la mainmise de l'UMP a été rendue possible par la nature même de cette majorité, faite de bric et de broc, sur la base d'un accord exclusif Bouchart-Blet, une sorte de Yalta politique en somme.

Cette interview d'Antoine Deguines arrive donc comme un boulet de canon au plus mauvais moment pour les autres composantes de la majorité municipale, à mi-mandat (toujours une date symbolique politiquement parlant) et à l'occasion des élections cantonales où se présentent bon nombre d'élus majoritaires.

En se démarquant publiquement (et courageusement) de ses pairs, Antoine Deguines, sans rompre officiellement, devra rendre des comptes au maire. Il le sait mais il prend date à mon avis.

Natacha Bouchart ne peut ignorer qu'Antoine se positionne désormais sur une autre dynamique, déjà en marche: il y a fort à penser qu'avec sa nouvelle posture d'électron libre, son parcours politique ne sera pas un long fleuve tranquille. Il vient de se faire beaucoup d'ennemis d'un coup, de l'UMP au MSDC. Nul doute qu'il vient de gagner beaucoup plus d'amis en échange.

Une page vient sûrement d'être tournée...

Jean-Marc Ben