LA VOIX DU NORD
samedi 19 juin

| POLITIQUE |

Pour faire suite aux déclarations de Jacky Hénin qui, dans notre édition du 15 juin, s'est engagé contre la direction du parti communiste qu'il juge « incolore, inodore et sans saveur », le Parti de Gauche du Pas-de -Calais se déclare « surpris du bilan négatif que Jacky Henin tire du Front de Gauche, alors qu'il vient d'être réélu sous cette bannière en mars 2009. En effet, c'est Jacky Hénin qui, en 2009, emmenait la liste du Front de Gauche de la région Nord/Ouest. Cela lui a permis de reconduire son mandat de Député Européen. C'est aussi Jacky Hénin qui était tête de liste Front de Gauche du Pas-de-Calais aux élections régionales de mars dernier (...). Nous regrettons que l'eurodéputé du Front de Gauche renie l'unité qu'il a pourtant défendue ardemment lors de ces deux dernières campagnes et à laquelle, il faut bien le dire, il doit en partie sa réélection. Le Front de Gauche n'est pas destiné à "bouffer du socialiste", comme le dit le député européen, mais à réunir les conditions de rassemblement de toutes les forces de la gauche de transformation (...). L'humain d'Abord, c'est le nom de notre liste aux dernières régionales. C'est surtout la préoccupation centrale autour de la laquelle nous avons bâti un programme humaniste au service de la population du Nord-Pas-de-Calais. Et Jacky Hénin en était un des plus brillants promoteurs. Souhaitons que pour le Député Européen du Front de Gauche, ce ne soit pas que des mots... »


Commentaire


Les dessous d'un effet d'annonce


talking_election.jpgJacky Hénin, ancien maire de Calais, avait annoncé la couleur le 12 juin à la Conférence Fédérale du PCF à Rouvroy. Paradoxalement, en se positionnant résolument sur la ligne très "orthodoxe" de la fédération du Pas-de-Calais et en annonçant sa candidature à la direction nationale du Parti Communiste contre le tandem Buffet-Laurent, Jacky Hénin, qui ne croit pas une seconde en son élection au poste de secrétaire général, a d'autres préoccupations en tête, beaucoup plus locales.

Son engagement contre la direction du Parti communiste qu'il juge « incolore, inodore et sans saveur »... est un artifice. Décryptons le message. En dénonçant la stratégie mise en oeuvre par Marie-George Buffet, notamment l'alliance avec le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, tout juste bon à « bouffer du socialiste », Jacky Hénin vient en fait de lancer son opération de séduction en direction des socialistes... calaisiens ! Objectif: les municipales de 2014.

« J'ai écouté Martine Aubry à la télévision, eh bien elle parle comme une vraie femme de gauche... Elle, au moins, joue son rôle. Elle, au moins, a eu le courage d'exclure du PS ceux qui avaient suivi Georges Frêche en Languedoc-Roussillon, alors que le PCF a été incapable de le faire avec Jean-Claude Gayssot. », confesse Jacky Hénin. Transposé au contexte calaisien, cela veut dire plusieurs choses.

Premièrement, il réaffirme, à destination des nouveaux dirigeants socialistes, Yann Capet et Philippe Vasseur, son attachement à la bonne vieille "union de la gauche" classique. D'où le rejet du Parti de Gauche, qui localement, ne représente rien à ses yeux.
Deuxièmement, Jacky Hénin sait bien qu'il a perdu la main et, contrairement à quelques aficionados qui croient en son retour comme premier magistrat, lui table déjà sur un autre registre (c'est de la Realpolitik !), en acceptant le leadership socialiste en échange de quelques postes clés, qui légitimera l'existence du Parti Communiste localement et lui permettra de survivre financièrement en tant qu'appareil politique. Les communistes ont besoin des socialistes. Mais l'inverse est-il vrai ? La question taraude déjà les esprits dans les états-majors politiques: liste d'union PS-PC dès le 1er tour, avec leadership socialiste ou listes séparées avec fusion éventuelle au 2ème tour ? Tout dépendra du Parti Socialiste et du rapport de forces du moment. Mais le PS ne risque-t-il pas, en s'acoquinant trop avec le PC et en reproduisant les deals-Yalta du passé, de décevoir son électorat et un électorat modéré prêt à le rejoindre pourvu qu'on ne reproduise pas les schémas archaïques ?
Troisièmement, le PCF reproduit toujours le même schéma politique, manichéen et exclusif: il y a la gauche et la droite, comme il y a le bien et le mal, et gare à ceux qui n'entrent pas dans ce moule. Lorsque Jacky Hénin évoque les atypiques, les "renégats" ou tous ceux qui ne veulent pas se ranger dans le clivage gauche-droite, il a en tête d'autres "hérétiques" locaux, à commencer par Philippe Blet. C'est donc une sorte d'avertissement à peine déguisé que lance Jacky Hénin aux socialistes qui voudraient recomposer avec les "socialistes dissidents" et d'autres, non catalogués à gauche ou à droite, et qui pourraient proposer une autre voie.

La stratégie du Parti Communiste peut se comprendre. Elle est cohérente et légitime. Mais il s'agit avant tout de sauver les meubles. En tout cas, l'attaque en règle de Jacky Hénin contre la direction nationale du PCF est un leurre et ne sert au fond qu'à attirer l'attention sur un message strictement local, et sans doute plus pertinent que cette pseudo-candidature en effet d'annonce. Y a-t-il déjà un deal entre Jacky Hénin et le PS calaisien, ou n'est-ce pour le PC qu'un ballon d'essai ? Ou une bouteille à la mer... voire un S.O.S ?

Jean-Marc Ben